Évaluer les services écosystémiques

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Définition

La loi de Reconquête de la Biodiversité de la Nature et des Paysage (RBNP, 2016) a introduit la nécessité de prendre en compte les services écosystémiques lors de la définition des mesures d’évitement et de réduction (cf. EVITER / DEFINITION / PRINCIPES). 

Depuis la mise en lumière des « services écosystémiques » par le Millenium Ecosystem Assessment (2005), les travaux sur le sujet se sont multipliés jusqu’à aboutir récemment à la publication de la première évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques par l’Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) le 6 mai 2019. 

En France, l’Evaluation Française des Ecosystèmes et des Services Ecosystémiques (EFESE) définit les services écosystémiques comme les bénéfices ou avantages socio-économiques retirés par l’être humain de son utilisation durable des fonctions écologiques des écosystèmes. La notion de services écosystémiques est donc fondamentalement anthropo-centrée

Selon le cadre conceptuel définit par l’EFESE, trois grands types de services écosystémiques sont référencés :

  • les « biens » issus des écosystèmes : nourriture, eau potable, énergie, médicaments, matériaux de construction, etc. ;
  • les services de « régulation » : protection contre les crues, les glissements de terrain, les pics de température, les parasites, etc. ;
  • les services « culturels » : loisirs, bien-être, enrichissement spirituel, développement cognitif et de l’imaginaire, etc. Dans le cas où l’intérêt des sociétés humaines envers les écosystèmes repose sur leur non usage (identification, legs, altruisme, etc.), l’EFESE ne parle pas de service spirituel mais de patrimoine naturel.

À noter que :

  • il importe de distinguer les « services écosystémiques » des « fonctions écologiques », qui désignent les phénomènes propres à un écosystème, résultant de la combinaison de l’état de l’écosystème, de sa structure et des processus écologiques associés, et se mettant en place avec ou sans la présence de l’homme. Ainsi, sans mise en relation des fonctions écologiques avec l’avantage qu’en retire l’être humain, il n’y a pas de service écosystémique ;
  • la classification des services écosystémiques proposée par l’EFESE est cohérente avec celles du Mapping Assessment of Ecosystem Services (MAES) et du Common International classification of Ecosystem Services (CICES) ;
  • d’autres classifications évoquent aussi les services « supports » (production primaire, production d’oxygène, cycle de l’eau et du carbone, etc.). Pour l’EFESE, cette notion de services « supports » n’a pas lieu d’être car elle fait essentiellement appel à des fonctions écologiques.


Les biens, encore appelés services « d’approvisionnement », permettent aux êtres humains d’obtenir des biens marchands ou non marchands de la nature, par son exploitation. Il s’agit à titre d’exemples d’apports en : 

  • nourriture ou fibres (plantes, animaux, bactéries, jute, chanvre, lin, etc.) ;
  • énergies issues de ressources renouvelables (eau, bois, vent, soleil, etc.) ou de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz, gaz de schiste, sables bitumineux, schistes bitumineux, etc.) ;
  • chauffage (bois, tourbe, fumier, etc.) ;
  • matériaux de construction (bois, roches, granulats, etc.) ;
  • substances chimiques servant à la réalisation de médicaments, de biocides, d’additifs alimentaires (ex : alginates) ; 
  • ressources génétiques (gènes et informations associées) nécessaires à l’élevage des animaux, à la culture des plantes et à la biotechnologie ; 
  • ornements (plumes, peaux, coquillages, fleurs, etc.).


Les services de régulation permettent de modérer ou de réguler des phénomènes naturels. Ils concernent :

  • la pollinisation, dont la distribution, l’abondance et l’efficacité varient entre écosystèmes ;
  • la régulation hydraulique et la protection contre les inondations : la fréquence et l’intensité des ruissellements superficiels et des débits des cours d’eau (inondations, étiages, modules) et la recharge des aquifères, dépendent de l’occupation du sol et de la capacité des lits majeurs et des nappes phréatiques à stocker l’eau et à dissiper l’énergie hydraulique. Toute modification de ces paramètres engendre des désordres hydrauliques (mise en culture de zones humides ou de forêts, imperméabilisation des sols, etc.) ; 
  • la régulation de l’érosion des sols. A titre d’exemple, le couvert végétal contribue à la rétention des sols et à la prévention des glissements de terrain ;
  • le traitement des déchets organiques, via leur filtration et décomposition ;
  • la régulation des maladies et donc des populations, les écosystèmes définissant l’abondance des pathogènes et des vecteurs de maladies (ex : moustiques), des prédateurs, des parasites, etc. ; 
  • la protection contre les tempêtes, par diminution de l’intensité des vents ;
  • le maintien de la qualité de composantes environnementales telles que :
    • l’air : les écosystèmes apportent des produits chimiques et extraient des produits chimiques de l’atmosphère, influençant ainsi la qualité de l’air,
    • l’eau : les écosystèmes comportent des filtres naturels qui épurent l’eau (bactérie, sédiments, etc.) ;
  • la régulation du climat : 
    • à l’échelle locale : le changement d’occupation du sol peut influencer la température de l’air, de l’eau et la pluviométrie,
    • à l’échelle globale : les écosystèmes participent à la séquestration du carbone ou à l’émission de gaz à effet de serre selon les cas.


Les services culturels représentent généralement des bénéfices non matériels apportés par la nature à l’être humain (loisirs, bien-être, enrichissement spirituel, développement cognitif et de l’imaginaire, etc.). Ils sont issus :

  • du potentiel récréatif des milieux naturels et de la valeur patrimoniale, historique ou culturelle de certains paysages, vecteur de bien-être et d’emplois. Ex. : loisirs, éco-tourisme, gestion de parcs naturels, etc. ; 
  • des valeurs éducatives associées à la nature, base de l’enseignement et de la transmission des valeurs dans beaucoup de sociétés ;
  • de la source d’inspiration que constitue les écosystèmes pour l’art, le folklore, les symboles nationaux, l’architecture, la publicité, etc. ;
  • du renforcement des liens sociaux, tirés du bénéfice des parcs, des jardins, etc.


Les fonctions « support » ou de « soutien » participent à la réalisation des services écosystémiques. Ils créent les conditions de base au développement de la vie sur Terre. Leurs bénéfices pour l’être humain sont soit indirects, soit apparaissent sur le long terme. Ex. : production primaire, production d’un air respirable, formation et rétention des sols, cycles bio-géo-chimiques, cycle de l’eau, cycle du carbone, offre en habitats.

A noter que certains services peuvent être classés comme « support » ou « de régulation » en fonction de l’échelle de temps prise en compte. Ainsi, la régulation du climat est classée dans les services de « régulation » (car les changements de l’écosystème peuvent modifier le climat local et/ou global à court terme), alors que la production d’oxygène par photosynthèse est une fonction « support » car tout impact sur la concentration d’oxygène de l’atmosphère et sur sa disponibilité aux humains ne se manifesterait qu’à très long terme. 

 

Méthodes d’évaluation

De nombreuses méthodes sont d’ores et déjà développées ou en cours de développement pour évaluer les services écosystémiques associés à la nature (cf. EN SAVOIR PLUS).

A titre d’exemple, l’initiative internationale ValuES recense actuellement 71 méthodes qui se différencient selon le type d’évaluation mise en œuvre. On distingue le plus souvent ces évaluations selon les trois grands domaines de valeurs qu’elles utilisent, à savoir :

  • l’évaluation biophysique (en lien étroit avec les fonctions associées à ces milieux) ;
  • l’évaluation socio-culturelle (en lien avec les préférences et les valeurs sociales des services) ;
  • l’évaluation monétaire (en lien avec leurs valeurs économiques).

Malgré l’aspect pratique de cette typologie, il faut noter que les méthodes d’évaluation sont généralement hybrides et font intervenir plusieurs domaines de valeurs. A titre d’exemple, une évaluation monétaire des services repose bien souvent sur des données provenant d’une analyse biophysique des écosystèmes.

Parmi les nombreuses méthodes d’évaluation disponibles, il n’y a pas, dans l’immédiat, de solution unique à privilégier qu’elle que soit la situation. Le choix d’une méthode doit donc d’abord être en cohérence avec les objectifs de l’évaluation. En outre, la combinaison de méthodes permet de prendre en compte un plus grand nombre de services et de faire intervenir un plus grand nombre d’acteurs dans leur évaluation. Cette combinaison de méthodes est généralement recommandée car elle permet de renforcer la robustesse de l’analyse. 

A noter que l’EFESE privilégie les méthodes d’évaluation par bouquets de services car ils permettent de mieux prendre en compte les relations, parfois antagonistes, entre services. Par exemple, la maximisation d’un service écosystémique peut s’effectuer au détriment d’un autre service.
Enfin, il faut souligner que l’évaluation des services écosystémiques dépend des échelles spatiales et temporelles considérées dans l’analyse. Le choix de l’échelle d’évaluation doit donc être proportionné aux enjeux environnementaux et à l’échelle du projet, plan ou programme.

 

Exemples"Guide services ecosystémiques"

                      https://www.hauts-de-france.developpement-durable.gouv.fr/?Evaluer-les-services-ecosystemiques