Dimensionner une mesure de compensation

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À l’heure actuelle, les maîtres d’ouvrages sont libres de proposer leurs propres méthodes de dimensionnement de la compensation. Ces dernières doivent respecter les principes réglementaires  régissant la compensation ; et être compatibles avec les dispositions des documents de planification relatives à ce sujet (SDAGE, SAGE, PGRI, etc.).

Un guide de mise en oeuvre de l'approche standardisée du dimensionnement de la compensation est paru en juin 2021. Il propose une démarche en 8 étapes.

8 étapes clés pour compenser les impacts d’un projet d’aménagement sur la biodiversité :

 

Principe du dimensionnement

Le dimensionnement de la compensation consiste à :

  1. caractériser les composantes environnementales du site affecté par le projet et les incidences négatives résiduelles significatives engendrées ; 
  2. évaluer les pertes de biodiversité (dites aussi « besoin de compensation » ou « dette environnementale ») ;
  3. caractériser les composantes environnementales du site de compensation ; puis vérifier son équivalence qualitative avec le site affecté par le projet, au regard des espèces, des habitats et des fonctions présentes et de leurs trajectoires potentielles ;
  4. évaluer les gains de biodiversité engendrés par les actions envisagées sur le site de compensation (dits aussi « réponse » ou « offre de compensation ») ;
  5. ajuster la proposition de compensation, selon un processus itératif, afin de vérifier l’équivalence quantitative entre les pertes et les gains de biodiversité.
     
Schéma de principe des étapes du dimensionnement ex-ante des mesures de compensation (MC). Source : Truchon et al., in press.

Cet ajustement peut prendre en compte les « pertes intermédiaires » éventuellement engendrées par les modalités de mise en œuvre de la mesure de compensation et le temps nécessaire à un retour à un état fonctionnel du site de compensation, une fois les actions écologiques réalisées. A titre d’exemple, plus le décalage temporel est important entre les impacts engendrés par le projet d’une part, et les actions écologiques effectuées sur le site de compensation d’autre part, plus les pertes intermédiaires sont élevées.

 

Illustration des pertes intermédiaires (Pi) engendrées par un projet (a)

Illustration des pertes intermédiaires (Pi) engendrées par un projet (a) :

  • Les « Pi » sont faibles dès lors que la mesure de compensation est réalisée en même temps que le projet et que la capacité de résilience et l’efficacité du génie écologique mis en œuvre sont élevés (b).
     
  • Les Pi sont élevées dès lors que la capacité de résilience et l’efficacité du génie écologique mis en œuvre sont faibles (c) ou que la mesure de compensation est réalisée longtemps après le projet (d).

 

Typologie des méthodes de dimensionnement disponibles

Les études scientifiques menées sur l’équivalence écologique d’une part, et les pratiques actuelles en termes de dimensionnement de la compensation lors de la conception et de l’instruction des projets d’autre part, permettent de différencier les méthodes selon trois types  : 

  • Méthodes par ratio minimal ;
  • Méthodes d’équivalence par pondération ;
  • Méthodes d’équivalence entre écarts d’état des milieux.

Au sein de ces trois types, les méthodes peuvent être :

  • « Holistiques », l’ensemble des composantes environnementales affectées par le projet étant simultanément prises en compte dans le dimensionnement de la compensation ;
  • ou « Spécialistes », les pertes et les gains de biodiversité étant évalués sur la base d’une seule composante environnementale (les zones humides, les habitats d’espèces protégées, etc.). 
     
 Méthodes par ratio minimal

Il s’agit de méthodes uniquement quantitatives, où les métriques (surfaces, linéaires ou volumes selon le contexte considéré) de milieux naturels ou d’habitats d’espèces à compenser sont calculées en multipliant les métriques affectés par le projet, par un ratio minimal préétabli. 

Ces méthodes ne permettent pas de vérifier l’équivalence entre les pertes et les gains de biodiversité.
 

approche par ratio minimal

 


Il s’agit d’un nombre venant pondérer la surface, le linéaire ou le volume de milieu affecté par le projet, dont la valeur est définie par défaut (MTES, 2013). A titre d’exemples : 

  • la surface d’une zone humide impactée doit être compensée à hauteur de 200% dans le SDAGE Rhône Méditerranée ; 
  • des ratios sont affectés à des espèces protégées en fonction de leur degré de menace d’extinction; etc. 

     

    Méthodes d’équivalence par pondération

    Il s’agit de méthodes qui quantifient séparément les pertes et les gains de biodiversité, en pondérant les métriques affectées par des coefficients « pertes », et les métriques à compenser par des coefficients « gains ».
     

    Approche pondération

     

    Schéma de principe des méthodes d'équivalence par pondération. MC : mesure de compensation.

    Ces pondérations sont effectuées à l’aide de ratios ou coefficients « évalués ». Afin de veiller à l’équivalence entre les pertes et les gains, les métriques à compenser sont ensuite déduites de la formule suivante : 

    Définition d’un ratio ou coefficient évalué


    Les ratios ou coefficients « évalués » résultent d’une combinaison de critères de description des milieux, des enjeux environnementaux, du projet ou des actions écologiques envisagées sur le site de compensation. Ces coefficients permettent de tenir compte du contexte local, de la nature du projet et de ses modalités techniques de réalisation. Ils peuvent être associés aux surfaces, linéaires ou volumes de milieux affectés par le projet ou bénéficiant d’actions écologiques au titre de la compensation. Ils sont plutôt utilisés dans les approches d’équivalence par pondération et entre écarts d’état des milieux. 

     

    Le ratio ou coefficient « pertes » de biodiversité résulte généralement de la combinaison des valeurs attribuées aux différents critères de pondération, et dont le choix est fondé sur la description ou l’évaluation :

    • des milieux, des espèces ou des fonctions affectés (état initial avant impacts, connectivité avec milieux adjacents, etc.) ;
    • des enjeux écologiques associés à ces milieux, espèces ou fonctions ;
    • de l’intensité des impacts engendrés par le projet sur ces espèces, habitats ou fonctions. 

    Le ratio ou coefficient « gains » résulte aussi de la combinaison des valeurs attribuées aux  différents critères de pondération, et dont le choix est fondé sur la description ou l’évaluation :

    • des milieux bénéficiant de la mesure de compensation : état de conservation initial avant action écologique, enjeux écologiques, connectivité avec milieux adjacents, etc. ;
    • de la nature des actions écologiques envisagées sur le site de compensation : type d’actions, niveau de plus-value écologique attendu, etc. Dans ce cas, des classes de plus-value écologique (faible, moyen, fort, etc.) ou des typologies prédéfinies d’actions écologiques auxquelles sont attribuées des valeurs selon le gain attendu, sont utilisées, au même titre que pour les IRS ;
    • des conditions de mise en œuvre des mesures de compensation et du respect des principes réglementaires régissant la compensation, la logique étant que plus ces principes sont respectés, plus le gain écologique est fort. Ces critères de pondération incitent à des pratiques vertueuses vis à vis de la réglementation. Ainsi, les propositions de mesure de compensation s’écartant de ces principes sont acceptées, tout en étant pénalisées par une intensification des actions écologiques à réaliser ou une augmentation des surfaces, linéaires ou volumes à compenser.

    Au sein de ces méthodes d’équivalence par pondération, le nombre de critères utilisés pour évaluer les coefficients « pertes » ou « gains » varie entre méthodes, de deux à plus d’une dizaine de critères. 
     

    Méthodes d’équivalence entre écarts d’état des milieux


    Ces méthodes quantifient séparément les pertes et les gains de biodiversité, puis en vérifient l’équivalence (Quaempts, 2003 ; Dumax, 2009 ; Burrows, 2014 ; Mechin & Pioch, 2016 ; Bezombes, 2018). Les calculs s’effectuent en comparant l’état ou la capacité d’accueil des milieux :

    • avant et après impact, pour le site concerné par le projet (delta « pertes ») ;
    • et avant et après réalisation des travaux de génie écologique, pour le site de compensation (delta « gains »).
       
    Approche écart d'état
    Schéma de principe d’une méthode d'équivalence entre écarts d'état des milieux.

     Afin de veiller à l’équivalence entre les pertes et les gains, les surfaces, linéaires ou volumes à compenser peuvent être déduits de la formule suivante : 
     

    formule d'évaluation des surfaces, linéaires ou volumes à compenser

     

    Au sein de ces méthodes, l’équivalence qualitative (en espèces, habitats et fonctions) entre le site impacté et le site de compensation, est considérée comme un prérequis devant être vérifié préalablement à tout calcul. Le caractère « significatif » de l’impact est estimé au regard de la valeur de l’écart calculé avant/après projet. 

    Ces écarts d’état ou de capacité d’accueil des milieux, sont évalués au regard de leur état initial ; et de leurs trajectoires potentielles (état dit « projeté »). Les critères utilisés pour les caractériser sont similaires entre le site impacté et le site de compensation. Ils se basent notamment sur :

    • les composantes physiques et biogéochimiques des milieux naturels (ex : régime hydrologique, qualité physico-chimique éventuelle, fonctionnement hydro-géomorphologique, taux d’érosion des sols, niveau d’expression des fonctions associées, etc.) ;
    • leurs composantes biologiques, dont la composition, la structure, la dynamique et l’état de conservation des communautés d’espèces et des milieux naturels (ex : richesse et diversité floristique et faunistique ; présence d’espèces inféodées aux habitats présents ; capacité de résilience et de résistance des espèces ; mosaïque d’habitat ; dynamique et état de conservation des populations d’espèces ou des habitats ; présence d’espèces exotiques envahissante ; etc.) ;
    • et les caractéristiques du paysage  (mosaïque des habitats jouxtant les sites évalués; présence de corridors écologiques et fragmentation éventuelle de ces derniers ; connexion ou isolement des sites évalués avec ces milieux naturels ; présence d’habitats favorables aux espèces impactées ; présence d’espèces exotiques envahissante ; occupation des sols et usages anthropiques ; etc.).

    L’estimation des trajectoires de ces milieux est réalisée soit à dire d’expert, soit à l’aide de catégories ou de modèles préalablement définis [cas des méthodes Habitat Equivalency Analysis (HEA), Resource Equivalency Analysis (REA), Landscape Equivalency Analysis (LEA), etc.]. 

    Certaines méthodes ajoutent des critères supplémentaires de pondération des gains, dont l’incertitude sur les actions écologiques mises en œuvre sur le site de compensation, ou les pertes intermédiaires générées par le décalage temporel entre les impacts du projet d’une part, et le retour à un état fonctionnel satisfaisant des sites de compensation d’autre part (ex. : méthode MERCIe).