Preuve de l’absence de solution alternative

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Cette partie concerne particulièrement un type d’autorisation administrative : les dérogations « espèces protégées ».
Il est permis de déroger à l’interdiction de destruction d’une espèce protégée lorsque sont remplies les trois conditions distinctes et cumulatives :

  • l'absence de solution alternative satisfaisante ;
  • le fait de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  • la justification de la dérogation par l'un des motifs fixés par le code de l’environnement. 

(CE 30 décembre 2015, req. n° 371748 – Dérogation espèces protégées – Extension d’une installation de stockage de déchets – Conditions cumulatives de dérogation à l’interdiction de destruction d’une espèce protégée)

La preuve de l’absence de solution alternative revêt à la fois un travail de forme : existence de scénarios alternatifs, et un travail de fond : réalité de ces scénarios. 

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Décisions du Conseil d'Etat

 

L'étude d'impact doit, selon les dispositions du code de l’environnement, comporter une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu.

Il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact analyse en détail les raisons qui ont conduit le maître d'ouvrage, parmi 34 variantes de passage identifiées, réparties en trois grandes familles de tracés possibles, à retenir le tracé litigieux. Le choix a été réalisé après une élimination progressive des autres variantes au regard de leur intérêt pour la réalisation des objectifs poursuivis, des contraintes techniques qu'elles imposent et de leurs différents impacts, notamment environnementaux. Les autres variantes ont pu être écartées en raison des fonctionnalités limitées, de lourdes contraintes techniques et des impacts environnementaux forts, notamment sur un site et des habitats classés en zone Natura 2000, ou encore de forts risques pour les eaux souterraines, un impact sur des terres agricoles de bonne qualité et de forts inconvénients en matière d'aménagement du territoire, conduisant notamment à la coupure en deux de deux communes.


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Décisions des cours administratives d'appel

 

L'absence de solution alternative a été étudiée au regard de plusieurs projets, pour chacun a été réalisée l’étude de plusieurs variantes des fuseaux en fonction de leur impact sur des critères globaux relatifs au milieu physique, au milieu naturel, au paysage et patrimoine, au cadre de vie, ainsi qu'aux activités socio-économiques. Ces fuseaux correspondent aux tracés de principe des lignes aériennes ou souterraines validés par la déclaration d'utilité publique et s'inscrivent dans une bande de 50 à 100 mètres de largeur. 


Il ressort de cette étude multi-critères qu'il a bien été procédé à la comparaison de la solution retenue et des fuseaux alternatifs envisagés. Il n'était pas nécessaire de procéder à un chiffrage de ces solutions dans le dossier, les textes applicables ne prévoyant pas une telle obligation. Par ailleurs, des mesures d’évitement ont été prescrites dans l’arrêté, permettant de définir les tracés de détail, notamment l'implantation exacte des pylônes des lignes aériennes, et des modifications de tracés du projet à l'intérieur du fuseau retenu, pour éviter les habitats favorables à l'Agrion de Mercure. D'autres modifications de tracés sont imposées dans des mesures de réduction, qui relèvent en réalité de l'évitement, en particulier sur les éléments patrimoniaux et la préservation des milieux humides et aquatiques. Ces mesures d'évitement démontrent par elles-mêmes l'étude de solutions alternatives au niveau des tracés de détail, lesquelles sont moins satisfaisantes que le tracé finalement retenu, même si cette étude reste dans le cadre des fuseaux résultant de la déclaration d'utilité publique du projet, que la demande de dérogation vise à mettre en œuvre. Dans ces conditions, l'examen des solutions alternatives répondait bien aux exigences du code de l’environnement.


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Six tracés différents du projet de contournement routier ont été étudiés. Le juge examine chacune de ces variantes, et conclut que deux d’entre elles sont implantées en grande partie en dehors de la ripisylve et permettent de réduire cet impact de manière significative par rapport à la variante qui a été retenue. Le fait que ces deux variantes soient implantées en partie sur des parcelles viticoles exploitées en AOC n’est pas de nature à elle seule à les exclure des solutions pouvant satisfaire à l’équilibre des intérêts en présence. Après cet examen, il est conclu que le projet ne peut être regardé comme répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur, puisqu’il n’est pas établi l’absence d’une autre solution alternative satisfaisante.


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Les différents arrêtés préfectoraux précisent que le projet de création de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes répond à des raisons impératives d'intérêt public majeur notamment pour assurer le développement socio-économique de la région, anticiper les besoins de déplacements induits par l'évolution démographique, l'activité économique et touristique du Grand Ouest, pallier la saturation du site aéroportuaire actuel et ses risques pour la santé liés aux nuisances sonores.  Aucun des autres sites étudiés « ne permet de répondre de manière plus satisfaisante à la fois aux enjeux de préservation des zones humides, de la biodiversité et des habitats des espaces agricoles, de développement économique et de durabilité des déplacements infra et interrégionaux » et qu'en conséquence il n'existe pas d'autre solution alternative satisfaisante. Les arrêtés précisent que les installations, ouvrages, travaux et activités présentés dans le dossier résultent d'une méthodologie basée sur l'évitement et, pour les impacts ne pouvant être évités, sur des mesures de réduction et de compensation. Enfin, les dérogations sollicitées ne nuisent pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces protégées concernées dans leur aire de répartition naturelle compte tenu des mesures d'évitement, de réduction et de compensation prévues. Ainsi, les différents arrêtés sont suffisamment motivés. 


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Concernant le projet en question, la construction d’un centre pénitentiaire, le juge opère une analyse poussée de la recherche de différentes solutions d’implantation en tenant compte des contraintes de superficie, de desserte, et de configuration du site imposées par la destination et la sécurité de l’établissement. Il conclut à l’absence de solution alternative au regard des contraintes particulières, notamment l’une des solutions alternatives se trouvait à proximité d’une zone où était présente la tortue d’Hermann, entraînant des perturbations de l’habitat de cette espèce protégée. Le projet retenu ne présentait pas de tels inconvénients pour cette espèce protégée. 


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L’arrêté ne mentionne pas dans quelle mesure aucune autre solution satisfaisante ne serait susceptible d'être mise en œuvre, notamment en ce qui concerne le choix de détruire plutôt que de déplacer certaines espèces de reptiles protégées, il est ainsi insuffisamment motivé.

 

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Décisions des tribunaux administratifs

 

L’arrêté contesté se borne à mentionner « la non remise en cause de la bonne santé des populations des espèces impactées à l'échelle régionale et locale » ainsi que « la bonne prise en compte des espèces protégées dans la séquence Eviter-Réduire-Compenser conduite par le pétitionnaire au regard des enjeux environnementaux du projet ». Il ne fait toutefois pas état de l'absence de solution alternative satisfaisante, et est par conséquent insuffisamment motivé. L’arrêté est annulé pour ce motif.

 

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Rédactions équivalentes :

 

Il n’est pas établi dans l’arrêté qu’aucune solution alternative satisfaisante existait. Ce dernier se borne à mentionner que le choix d’implantation répond à l’objectif de ne consommer aucune surface agricole utile et que le demandeur s’engage à mettre en œuvre l’ensemble des mesures prévues pour éviter, réduire et compenser ses impacts sur les espèces protégées telles qu’elles sont décrites dans le dossier de demande de dérogation, de sorte que la dérogation ne nuit pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces protégées concernées. Il n’est pas établi que les trois conditions cumulatives sont remplies.


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L’arrêté contesté mentionne qu’après étude des contraintes relatives à l’environnement, au paysage et à l’urbanisme, il n’existe pas de solution alternative satisfaisante au projet présenté. Il est précisé, à cet égard, que la localisation des deux extrémités de la liaison routière a été contrainte à l’ouest par l’emplacement de l’échangeur d’une route nationale et à l’est par la localisation d’une ZAC. Des solutions alternatives ont, en revanche, été analysées pour la portion centrale du tronçon, conduisant à retenir le tracé ayant le moindre impact sur les espèces protégées recensées sur le site. Le projet initial portait sur la création d’une route de type « rase campagne », composée d’une chaussée unique à deux voies, l’autorisation a finalement été accordée pour une route à 2x2 voies de 6,50 mètres de large, équipée d’un terre-plein central, de trottoirs et d’accotements stabilisés. Un tel aménagement a été souhaité pour répondre aux nécessités de la desserte automobile de la ZAC et notamment du centre commercial « Val Tolosa ». La configuration retenue pour l’aménagement de ce barreau routier résulte directement des exigences liées à la desserte automobile du centre commercial « Val Tolosa », sans lequel aurait pu être prévue, comme initialement envisagé, une voirie aux dimensions plus réduites. Les promoteurs du centre commercial avaient obtenu une dérogation espèces protégées, dont l’arrêté a été jugé illégal par le tribunal administratif puis par la cour administrative d’appel, au motif notamment que le projet « Val Tolosa » ne pouvait pas être considéré comme répondant à des raisons impératives d’intérêt public majeur. Une nouvelle dérogation a été sollicitée pour le centre commercial, qui a été à nouveau annulée.


Dès lors que le projet de route départementale a été conçu en fonction des contraintes du centre commercial et que celui-ci ne répond pas lui-même aux conditions prévues par la législation relative à la conservation des espèces protégées, il doit être retenu que l’objectif d’intérêt public poursuivi par la liaison routière litigieuse aurait pu être atteint de manière au moins aussi satisfaisante avec un projet impactant moins défavorablement lesdites espèces. Par suite, il n’a pas été satisfait à l’obligation de retenir une autre solution satisfaisante en vue de la réalisation de ce tronçon routier.


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Concernant l’absence de solution alternative, le préfet s’est fondé sur la seule recommandation émise par l’expert délégué « Faune » du Conseil national de protection de la nature dans son avis, dès lors que le projet avait été déclaré d’utilité publique après avoir mesuré l’ensemble des incidences environnementales. Il n’a pas justifié avoir examiné l’existence de solutions alternatives compatibles avec les projets déclarés d’utilité publique et permettant de limiter les atteintes à l’environnement à un coût économiquement acceptable, l’arrêté est alors insuffisamment motivé.


La société s’est bornée à mentionner, dans le dossier de demande de dérogation, les solutions alternatives écartées dans le cadre de l’étude d’impact préalable à la déclaration d’utilité publique, sans examiner les solutions alternatives envisageables. Toutefois, l’analyse des solutions alternatives dans le cadre d’une autorisation de destruction d’espèce protégée n’est pas comparable à celle d’un dossier d’étude d’impact d’une déclaration d’utilité publique. Dans le cadre d’une dérogation espèce protégée, l’analyse nécessite que les différentes alternatives soient examinées sur la base de critères scientifiques et économiques comparables en ce qui concerne l’impact des différentes solutions sur les espèces végétales et animales concernées et les raisons d’intérêt public pertinentes respectives. Ce qui, en l’espèce, n’a pas été réalisé.

 

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Les dispositions relatives à la recherche de solutions alternatives n'imposent pas au demandeur d'une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées de justifier des recherches qu'il aurait effectuées pour trouver une autre solution satisfaisante, mais soumettent à l'absence d'une telle autre solution la délivrance de la dérogation. L'association requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'aurait existé une autre solution satisfaisante.

 

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Le préfet a considéré pour accorder la dérogation : « qu’il n’existe pas d’autre solution alternative satisfaisante, et que la dérogation sollicitée ne nuira pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, compte-tenu des mesures d’évitement, de réduction, de compensation des impacts, et d’accompagnement, proposées dans le dossier initial du pétitionnaire et dans sa note complémentaire de mai 2012. Considérant que cette demande démontre, de la part de la commune de Dol-de-Bretagne, une volonté de préserver les espèces d’amphibiens concernées sur le site ». Le juge considère que cette motivation est manifestement insuffisante et ne démontre pas que la dérogation accordée réponde aux trois conditions posées par les dispositions du code de l'environnement, notamment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il n’existerait pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation répondrait à une raison impérative d’intérêt public majeur.

 

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