Sécurisation sans acquisition foncière

Type de contenu

Le maître d’ouvrage ne se porte pas acquéreur de son(ses) site(s) de compensation, mais utilise d’autres outils de sécurisation foncière, via la mobilisation de contrats. Il reste néanmoins responsable de la bonne mise en œuvre de la(des) mesure(s) et de leur efficacité.

Dans ce cadre, de nombreux outils de sécurisation foncière sont disponibles, dont :

  • l’Obligations Réelle Environnementale (ORE) ;
  • le Bail Rural Environnemental (BRE) ;
  • le bail emphytéotique (ou emphytéose) ;
  • la convention pluriannuelle d’exploitation agricole ou du pâturage ;
  • le bail de chasse ;
  • le prêt à usage ou commodat ;
  • la convention d’usage ou de mise à disposition à titre gratuit ;
  • le contrat de prestation de service (généralement ponctuel) ;
  • l’autorisation ou convention d’occupation temporaire (spécifique au domaine public).
     

Cas de l’Obligation Réelle Environnementale (ORE) 

Objectifs ?
  • sécuriser des milieux naturels sur le long terme ;

  • maintenir, conserver, gérer ou restaurer des entités environnementales (espèces, habitats naturels) ou des fonctions écologiques (corridors de déplacement de la faune, épuration de l’eau, protection contre l’érosion des sols, transport solide, etc.).

Définition

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a institué dans son article 72, la possibilité de mettre en place des Obligations Réelles Environnementales (ORE). Ces ORE sont codifiées à l’article L. 132-3 du code de l’env. 

Il s’agit d’un contrat de droit privé, régit par le code civil et librement consenti entre :

  • un propriétaire d’un bien immobilier ;
  • et un co-contractant public ou privé agissant pour la protection de l’environnement.

Les ORE peuvent être passives (ne pas faire) comme actives (faire).

La loi prévoit explicitement que les ORE puissent être utilisées à des fins de sécurisation de sites de compensation des atteintes à la biodiversité.

 

  • Article L. 132-3 du code de l’env. - « Les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu'à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques. 
    Les ORE peuvent être utilisées à des fins de compensation. La durée des obligations, les engagements réciproques et les possibilités de révision et de résiliation doivent figurer dans le contrat.
    Établi en la forme authentique, le contrat faisant naître l'obligation réelle n'est pas passible de droits d'enregistrement et ne donne pas lieu à la perception de la taxe de publicité foncière prévus, respectivement aux articles 662 et 663 du code général des impôts.
    Le propriétaire qui a consenti un bail rural sur son fonds ne peut, à peine de nullité absolue, mettre en œuvre une obligation réelle environnementale qu'avec l'accord préalable du preneur et sous réserve des droits des tiers. L'absence de réponse à une demande d'accord dans le délai de deux mois vaut acceptation. Tout refus doit être motivé. La mise en oeuvre d'une obligation réelle environnementale ne peut en aucune manière remettre en cause ni les droits liés à l'exercice de la chasse, ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques
    ». 
Qui ?

Concernant le propriétaire immobilier : il s’agit d’une personne physique ou morale ou d’un propriétaire public ou privé. Cela comprend à titre d’exemples : l’État, les collectivités territoriales (Conseil départemental, Commune, etc.), les Syndicats mixtes, les Parcs Naturels Régionaux, les Parcs Nationaux, des établissements publics (ONF, OFB, etc.), les associations ou fédérations gestionnaires de milieux naturels (Conservatoire d’espaces naturels, conservatoire du Littoral, etc.), etc.

Concernant le co-contractant : il peut être une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement.
 

Comment ?

La mise en œuvre d’une ORE peut être à l’initiative soit du propriétaire du bien immobilier soit du co-contractant. La protection de l’environnement ne relève donc plus de la seule initiative d’une administration ou d’une association. 

Le contrat obéit aux règles « classiques » du droit des contrats du code civil : cf. articles 1101 et suivants. 

  • Sur la forme : il s’agit d’un acte authentique (notarié ou administratif), qui doit être enregistré au service de la publicité foncière. A noter que si l’acte authentique a un certain coût (1000 € environ), l’ORE est exonérée des coûts d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière ; 
  • Sur le fond : le contenu du contrat est déterminé de manière bilatérale, par les deux parties en présence. Il liste :
    • les obligations/engagements réciproques ;
    • les sanctions en cas d’inexécution ;
    • les possibilités de révision ou de résiliation, qui sont libres dans le respect des lois. Cela donne la possibilité d’anticiper d’éventuelles évolutions de la situation des cocontractants, ou de l’état des éléments de biodiversité ou fonctions écologiques ;
    • etc. 

La nature et le niveau des engagements pris par chacun des cocontractants sont libres dès lors que ces derniers :

  • relèvent bien d’une des finalités environnementales précitées ;
  • ne sont pas contradictoires avec d’éventuels droits préalablement consentis à des tiers sur ce bien ex : droits de chasse, de réserve cynégétique, bail rural, etc.) ;
  • ne sont ni illusoires ni dérisoires (droit privé).

Le co-contracatant est tenu de mettre en œuvre les engagements qu’il a pris pendant toute la durée de l’ORE. Dans le cas où celle-ci serait utilisée à des fins de compensation, le porteur du projet soumis à obligation de compenser reste responsable de la bonne mise en œuvre des prescriptions relatives à ses mesures.
 

Durée ?

L’ORE peut être conclue pour une durée allant jusqu’à 99 ans. 
 

Avantages ?  

Les principaux intérêts de l’ORE sont que : 

  • tout propriétaire d’un bien immobilier, qu’il soit public ou privé, physique comme moral, dispose désormais d’un outil de sécurisation du foncier visant la protection de l’environnement ; 
  • l’ORE affecte l’usage du bien immobilier, en y grevant des pratiques favorables à l’environnement, tout en ne privant pas le propriétaire de son droit de propriété ; 
  • l’ORE s’attache aux biens immobiliers en eux-mêmes, là où les outils classiques créent des droits et obligations à l’égard des personnes. Ses bénéfices peuvent donc s’inscrire dans la durée. Le propriétaire peut faire perdurer son engagement, au-delà du temps de la propriété. L’ORE s’impose aux propriétaires ultérieurs du bien concerné par le contrat, pendant la durée prévue au sein du contrat ;
  • l’ORE ne nécessite pas de procédure administrative. Il s’agit d’un dispositif simple, ne créant pas de protection réglementaire, rapide à mettre en place, sans acquisition ni préemption foncière systématique. A noter néanmoins que dans le cas particulier où la mise en œuvre d’une ORE est prescrite dans le cadre de la compensation des impacts d’un projet, cette dernière est soumise au respect des prescriptions prévues au sein de l’acte administratif autorisant ce projet. 
     
Quelles sont les premières ORE conclues ?

La première ORE a été conclue le 14 mai 2018 entre le Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN) de Savoie et la commune de Yenne pour une durée de 30 ans, afin de préserver les fonctions écologiques d’un marais. 

Depuis, quatre autres ORE ont été conclues par des CEN : deux en Savoie avec des collectivités territoriales, une en Aquitaine à des fins de compensation et une Normandie avec des particuliers souhaitant maintenir les bonnes pratiques agricoles de leur domaine. 

Des projets sont également en cours, que ce soit à des fins de compensation (ex : autoroute A 304), ou pour la protection des milieux dans une zone Natura 2000.